Cheminer doucement : à la découverte de Madère côté facile
Madère n’est pas une île qui se donne à qui court. Elle se dévoile lentement, au rythme des pas, dans le silence bruissant d’une laurisylve millénaire ou sur les rebords de levadas paisibles. Contrairement aux idées reçues, elle n’est pas uniquement le terrain de jeu des randonneurs aguerris munis de bâtons télescopiques et de semelles techniques. Non. Il existe ici des sentiers accessibles à tous, de douces invitations à la flânerie, entre ciel et mer, où chaque détour semble avoir été cousu à la main par quelqu’un qui aimait profondément la beauté simple de cette île posée en équilibre dans l’Atlantique.
J’ai moi-même emprunté ces chemins lors de matins frangés de brume ou sous le plein soleil d’avril, parfois seule, d’autres fois guidée par les rires d’un vieux monsieur qui connaissait les noms des orchidées, par le regard bienveillant d’une femme assise sur un muret, paniers de fruits aux pieds. Voici, pour vous, quelques-unes de ces balades que l’on n’oublie pas, même si nos mollets ne sont pas entraînés.
Levada dos Balcões – L’air pur en récompense
À Ribeiro Frio, au nord de Madère, un sentier s’efface délicatement dans la forêt. Il s’agit de la Levada dos Balcões, une promenade de seulement 1,5 kilomètre (aller), accessible en moins d’une demi-heure, pour celles et ceux qui aiment prendre le temps. Mais en vérité, le temps, ici, se suspend.
Le chemin épouse la levada, ce canal d’irrigation qui court paisiblement sous la canopée. On y respire l’humidité verte des fougères arborescentes, l’haleine musquée des lauriers d’Inde. Et au bout ? Une plateforme qui s’ouvre sur l’invisible : un panorama à couper le souffle sur la vallée de Faial et les sommets de Madère, parfois caressés d’un nuage, parfois nets comme le trait d’un pinceau.
Les plus chanceux aperçoivent le timide bis-bis de Madère ou le rouge-gorge endémique qui, paraît-il, ose parfois chanter pour les âmes attentives.
Levada do Rei – Entre eau murmurante et forêt enchantée
Partant du village de São Jorge, la Levada do Rei (la « levada du roi ») déroule ses 5,3 kilomètres dans un écrin de verdure éclatant. Bien qu’un peu plus longue, elle reste considérée comme une randonnée facile, avec seulement quelques passages un peu étroits – mais jamais dangereux si l’on avance calmement.
L’un des trésors de ce sentier, c’est l’expérience sensorielle. Le parfum du sol détrempé, le clapotis rassurant de l’eau, et cette ambiance presque surnaturelle, où l’on se sent petit parmi les troncs galbés, les lichens suspendus comme des dentelles, et les éclats de lumière tamisée. À la fin, l’on découvre la centrale de captation de Quebradas, et une petite chute d’eau qui résonne comme un secret chuchoté par la forêt.
C’est une randonnée que j’ai faite un jour d’octobre, un pull léger sur les épaules, et je me souviens m’être arrêtée pour écouter le vent se faufiler entre les bambous. J’y ai croisé un couple âgé, main dans la main. Ils venaient de France. Ils ne parlaient pas, et je crois que cela disait déjà tout.
Ponta de São Lourenço – Le spectacle minéral à ciel ouvert
Un autre visage de Madère, radicalement différent mais tout aussi accessible, se découvre à l’extrême Est de l’île : la Ponta de São Lourenço. Ici, point de forêt humide, mais des falaises ocre et rouges, sculptées par le vent et le sel. Le sentier, long d’environ 3 kilomètres (6 km aller-retour), offre des vues spectaculaires sur l’océan Atlantique battant les rochers avec une fougue ancestrale.
Malgré quelques montées douces, ce sentier bien tracé est praticable par tous, pour peu que l’on ait de bonnes chaussures et une casquette – l’ombre est rare. Par temps clair, on devine les îles Desertas à l’horizon, silhouettes mystérieuses dans la lumière rasante du matin.
Je vous conseille de partir tôt, très tôt. À l’aube, la roche s’embrase d’ocre pâle, et le silence de cette péninsule, battue par les vents, offre une étrange impression de solitude heureuse – celle d’être minuscule face aux éléments, mais pleinement vivant.
Le jardin botanique de Funchal – Une flânerie instructive
Pour celles et ceux qui préfèrent rester en ville tout en s’offrant une parenthèse de nature en pente douce, le Jardin Botanique de Funchal est un véritable bijou. Accessible en voiture ou via le téléphérique, il propose des allées praticables, bordées de plantes endémiques, tropicales et médicinales, le tout avec une vue panoramique sur la baie de Funchal.
Ce n’est pas à proprement parler une randonnée, mais une promenade, ce mot si doux qui évoque les après-midis sans but, les bancs partagés, les discussions lentes. C’est ici que j’ai appris que certaines plantes n’existaient que sur Madère. Et que parfois, rester plantée devant une collection d’aloès peut être tout aussi bouleversant qu’un sommet.
Levada do Alecrim – Entre lagunes secrètes et contes aquatiques
Dans le plateau de Paul da Serra, la Levada do Alecrim serpente à travers une nature moins connue, moins touristique. Le sentier, facile et linéaire, fait environ 3,5 kilomètres (aller), menant à une petite lagune d’un bleu laiteux, paisible et ronde comme un secret bien gardé – la Laguna do Vento.
Ce jour-là, le ciel était blanc comme une page vierge. À chaque pas, j’avais l’impression de marcher dans un conte légèrement irréel, avec ces écoulements transparents, ces lichens trapus, et cette sensation d’être ailleurs. Fun fact ? Le nom « Alecrim » signifie romarin. Et oui, sur certaines portions, il suffit d’effleurer les buissons pour que l’air exhale une fragrance méditerranéenne inattendue.
Quelques conseils pour profiter pleinement de ces randonnées douces
- Commencez tôt : La lumière du matin est magique sur Madère, et vous éviterez la chaleur (ou les foules).
- Chaussures adéquates : Même pour les randonnées faciles, une bonne semelle antidérapante vous évitera bien des glissades, surtout sur sol humide.
- Prenez de l’eau, toujours. Même si le chemin est court, l’effort peut vite assécher.
- Respectez la nature : Ne quittez pas le sentier, ne cueillez pas les plantes – ici, tout semble vivant et conscient d’être unique.
- Lenteur = richesse : Ne soyez pas pressé. Laissez Madère vous surprendre à son propre rythme.
Marcher sur Madère, même sur ses sentiers les plus doux, c’est accepter de se laisser envahir. Par les sons, les odeurs, la lumière. C’est avancer en conversation silencieuse avec l’île, avec ses pierres chaudes et ses eaux claires, ses habitants qui vous saluent d’un regard ou d’un sourire discret. Que vous soyez marcheur du dimanche, promeneur passionné ou rêveur en quête de chemins faciles, cette île a quelque chose à vous confier. Il suffit d’oser lui prêter un peu de votre temps et beaucoup de votre attention.
Alors, prêt(e) à chausser vos baskets et partir enfin à la rencontre du cœur battant de Madère, au détour d’un virage ombragé ou d’un belvédère suspendu ?

